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Emmanuel Ratouis a connu plusieurs vies, plusieurs métiers. D’abord dans le conseil aux entreprises, puis moniteur d’escalade et guide de haute montagne, il a alors ouvert de nombreux itinéraires dans le monde entier. Spécialiste de l’escalade et du ski-extrême, ses interrogations quant à ses prises de risques l’ont conduit à travers un long cheminement personnel dans lequel la psychogénéalogie a joué un rôle majeur, à une forme d’apaisement, puis à devenir thérapeute luimême. Spécialiste des liens entre les histoires familiales et les prises de risques de toutes sortes, il partage aujourd’hui sa vie entre les expéditions lointaines, son métier de guide de haute montagne, l’écriture et l’analyse transgénérationnelle.

Tout était inscrit dans la couverture de mon premier roman «Noces de cendres» paru aux éditions La fontaine de Siloé.
On y voit une flamme ronde entourée de suie. Et puis un peu plus tard, le feu programmé est arrivé. Il a emporté ma vieille ferme «Tupilak» bâtie sur le versant sud de la vallée de Chamonix il y a plusieurs centaines d’années. Le feu n’a rien laissé, si ce n’est de la suie.
Je me trouvais alors à un moment charnière de ma vie. Après plus de vingt années de pratique intense du ski-extrême et de grandes prises de risques au cours d’expéditions lointaines,
je m’étais engagé deux ans plus tôt dans la voie sans retour de l’élévation de mon niveau de conscience. Par nécessité, pour survivre, parce que je sentais qu’un jour ou l’autre, j’allais être conduit à m’engager dans la descente de trop, je m’inscrivis dans plusieurs écoles de développement personnel dont celle de la psychanalyste Anne Ancelin Schützenberger spécialisée dans le domaine des transmissions transgénérationnelles.
En peu de temps, je compris la puissance négative qu’avait représenté dans ma trajectoire de vie, l’immense stress ressenti par mes parents lors de ma conception, puis à ma naissance :
“ si seulement je n’avais pas existé ! ” Je perçus aussi le lien inconscient que j’entretenais avec l’histoire tragique de la naissance de mon arrière-grand-mère paternelle.
Comme par hasard, c’est exactement au moment où une issue apaisée se dessinait enfin pour moi que le feu emporta ma maison. Passé l’abattement, la sidération, l’effondrement des premiers jours, je décidai de ne rien stopper de mon nouveau parcours, et au contraire d’avancer envers et contre tout, armé d’une énergie décuplée. Quinze jours plus tard, j’écrivai «pourquoi j’aurais dû mourir en montagne». Trois mois plus tard, je publiai «Le mont Artamare», un roman initiatique qui me tenait à coeur et qui a été réédité en 2011. Par la suite, les livres se sont enchaînés avec une logique qui, peu à peu, se fit jour : témoigner, éclairer les autres, notamment ceux qui se sont égarés dans la prise de risque ou ceux sur qui pèsent des mémoires familiales toxiques, afin de les aider à alléger leurs héritages.
Devenu analyste transgénérationnel, j’ai trouvé aujourd’hui l’équilibre entre mon métier de guide, les voyages d’exploration, l’écriture et l’analyse transgénérationnelle. En dehors des sommets, je guide désormais mes consultants dans la remontée de leur arbre généalogique en vue de les aider à se libérer de la partie négative de leurs mémoires ancestrales. De toutes mes expéditions, le voyage transgénérationnel fut de loin le plus extraordinaire. Je suis reconnaissant à la vie de m’avoir permis de l’expérimenter et curieux de découvrir quels méandres inattendus elle me réserve encore.

Emmanuel